May 18, 2008

De jolies chipies : les Parisiennes de Kiraz

Le plus parisien des musées de la capitale française présente la première rétrospective consacrée au dessinateur Kiraz. Edmond Kiraz est le père des Parisiennes, les créatures filiformes au minois mutin qui ont fait son succès.
Sans titre
Gouache originale parue dans Elle n°3000, 30 juin 2003
34 x 24,5 cm — Collection de l’artiste
Le musée Carnavalet retrace ainsi soixante années de travail à travers un parcours chronologique articulé autour d'une centaine de gouaches originales. L'exposition rassemble des dessins de Kiraz pour la presse, la publicité ou la mode ainsi que des huiles.
En effet, Kiraz, Edmond Kirazian de son vrai nom, n'est pas venu tout de suite à ses séduisantes demoiselles. Né au Caire en 1923, il commence par publier des dessins politiques dans des journaux édités en Egypte. Arrivé à Paris en 1946, il crée ses premières figures féminines au tout début des années cinquante. De 1959 à 1987, Marcel Dassault lui offre une double page dans son magazine Jours de France : les Parisiennes sont nées. Ses créatures aux jambes infinies et aux yeux immenses sont élégantes, libérées et pétillantes, le dessin est naïf, coloré, simple et fin : le succès ne tarde pas. Il amène avec lui de nombreuses campagnes publicitaires. Perrier et la lingerie Scandale, puis Renault, Parker ou Nivea font appel à Kiraz et à ses Parisiennes, qui ont même eu une poupée à leur effigie. En 2001, Vogue Nippon August détourne les gouaches pour une parution spéciale “marques de luxe”. Mais c'est sans doute avec Canderel que la collaboration est la plus longue (1995-2000) et la plus réussie, avec les fameuses légendes : “On peut porter des pattes d'éléphant sans en être un”.
Mon pauvre mari ! À peine s’est-il habitué
à ma silhouette que je change de silhouette.
Gouache originale parue dans
Gala, octobre 1999
37 x 29 cm — Collection de l’artiste

Les gouaches de Kiraz réapparaissent ensuite, notamment dans Gala, mais aussi dans la presse étrangère. C'est aussi l'attitude innocemment provocante des Parisiennes qui séduit. Hugh Hefner, le patron de Playboy US, ne s'y est pas trompé, lui qui confie chaque mois et depuis plus de trente ans à Kiraz une page de son magazine. L'exposition présente une dizaine de ces gouaches, ainsi que quelques toiles de Kiraz dont la qualité n'est pas à la hauteur de ses talents de dessinateur humoristique.

Car il ne faut pas oublier les légendes de Kiraz, inséparables de ses dessins. Tout l'esprit des Parisiennes est là. Elles sont tantôt lucides et honnêtes : (à un maître nageur) “Tu m'as sauvé la vie et je voudrais sauver la tienne : ne te marie pas avec moi !”, tantôt vénales : “C'est simplement une coïncidence, André : notre amour et notre yacht ont sombré en même temps.”, obsédées par leur ligne : “Une amie mannequin vient dîner avec nous, maman : veux-tu ajouter une feuille de salade ?”, futiles, frivoles et folles de shopping : (à un agent de la circulation) “Je n'emporte jamais ma carte grise avec mon ensemble rose !”, gentiment impertinentes et croqueuses d'hommes : “Il y a en moi plusieurs femmes. Comment voulez-vous que je puisse me contenter d'un seul homme ?”, toujours piquantes : “Je suis très pudique : mon mari ne m'a jamais vue nue… excepté à la plage.”, à la fois rêveuses et terre-à-terre : “Je voudrais trouver un homme riche que je n'épouserais pas pour son argent.”
Je ne veux pas vous déranger Angèle : je cherche mon agenda.
Gouache originale parue dans Gala, juin 1997
33 x 26,5 cm — Collection de l’artiste
Bref, modernes et intemporelles, au cynisme attendrissant, dans un journal comme au musée, les Parisiennes plaisent.

Jusqu'au 21 septembre
Musée Carnavalet
23 rue de Sévigné – 75003 Paris
Tél. : +33 (0)1 44 59 58 58
Ouvert tous les jours de 10h à 18h sauf les lundis et jours fériés
www.carnavalet.paris.fr